Présentation de la recherche

Des matériaux aux comportements extraordinaires

L’étude des caractéristiques extraordinaires de certains matériaux et une exploration du nanomonde constituent les deux préoccupations majeures du laboratoire.

Prenez deux oxydes isolants. Mettez-les en contact intime. Surprise : à l’interface de ces deux isolants, le matériau devient conducteur et même supraconducteur ! Les oxydes présentent souvent des propriétés extraordinaires que l’on peine à expliquer, comme par exemple la supraconductivité à haute température critique, qui ont un formidable potentiel d’applications. La physique fondamentale a encore de beaux jours devant elle pour parvenir à élucider de tels phénomènes. « C’est l’une des préoccupations majeures des chercheurs qui travaillent dans ce laboratoire. L’autre est une plongée dans le monde nanométrique, avec l’étude des propriétés fascinantes de structures qui comportent quelques centaines ou milliers d’atomes seulement » dit Jérôme Lesueur, directeur du LPEM.
Le laboratoire compte aujourd’hui environ 55 personnes dont 23 chercheurs et enseignants-chercheurs permanents. Son activité est organisée autour de trois grands thèmes :

Les promesses du nanomonde

La synthèse de nanocristaux de semi-conducteurs constitue une partie significative de cette activité. Il s’agit de produire des petits cristaux de différents semi-conducteurs, d’une taille variant entre 2 et 30 nm. A cette échelle, les semi-conducteurs montrent des propriétés électroniques et optiques originales dont il est possible de tirer parti dans de nombreuses applications.
La maîtrise de la production de ces nanocristaux est fondamentale car si leurs propriétés sont évidemment liées à leur composition elles sont également très dépendantes de leur taille et même de leur forme.
Un résultat de recherche important illustre cette caractéristique. Le laboratoire a réalisé – et breveté le procédé de fabrication - de nanocristaux en forme de « plaquettes » de grande surface, dont l’épaisseur très faible est contrôlée à la monocouche atomique près. Ces cristaux font preuve de propriétés électroniques très spécifiques. Leur spectre d’émission est considérablement plus fin que celui d’un nanocristal classique : 8 nm de largeur de raie au lieu de 20 à 30 nm. En outre à l’intérieur de cette plaquette, les charges se recombinent beaucoup plus rapidement. Deux caractéristiques qui en font des candidats très intéressants pour les applications laser.
Autre résultat de recherche très significatif : des nanocristaux de semi-conducteur avec… des coques épaisses. Explication : des nanocristaux, excités optiquement ou électriquement, se comportent comme des émetteurs de photons individuels que l’on peut observer sur une très longue durée. Cela pourrait être très utile en recherche biologique ou pour la cryptographie quantique. Seul problème, ces nanocristaux « clignotent » , ce que la communauté scientifique cherche à comprendre et à éliminer depuis une vingtaine d’années. En enchâssant les cristaux sphériques dans une nano « coque » épaisse de 5-15 nm, les chercheurs du LPEM ont réussi à supprimer ce clignotement indésirable.
Le laboratoire est aussi fortement engagé dans la réalisation et l’étude de nanostructures : des couches minces de matériaux sont finement façonnées pour en faire des fils, des plots ... de taille nanométrique, qui possèdent alors de nouvelles propriétés. Les chercheurs ont ainsi mis au point des nanojonctions supraconductrices Josephson qui serviront peut-être pour l’électronique du futur. Ils ont également mené des travaux pionniers sur le transfert de chaleur à l’échelle nanométrique, enjeu majeur pour la miniaturisation des dispositifs électroniques.

Le comportement des oxydes et des semi-métaux sur la sellette

La physique du solide a une longue histoire. Pourtant, il reste de nombreux champs à explorer, en particulier le monde des oxydes ou celui des semi-métaux, qui font preuve de comportements « étranges », ou pour le moins inexpliqués. Prenez par exemple les oxydes de métaux de transition. Leur caractéristique est, contrairement aux métaux, de posséder des électrons qui interagissent très fortement les uns avec les autres (ils sont « corrélés »). En conséquence, ils s’organisent de façon collective et forment de nouvelles phases supraconductrices, isolantes ou bien magnétiques par exemple, qui coopèrent ou entrent en compétition sur des distances nanométriques. Ces luttes d’influence apparaissent par exemple lorsqu’on étudie, c’est un point fort du laboratoire, les fluctuations supraconductrices, c’est à dire comment les électrons supraconducteurs survivent dans un environnement « hostile ». Cette compétition s’illustre aussi dans l’apparition variation colossale de la résistance quand on applique un champ magnétique dans les manganites, ou dans les matériaux « multiferroïques » pour lesquels les phases magnétiques et électriques sont couplées. Pour les étudier, le LPEM utilise toute une panoplie de moyens originaux et sophistiqués. Des résultats tout à fait importants ont été obtenus récemment dans ce domaine. Au-delà de ces avancées fondamentales, des perspectives technologiques se profilent.
Autres résultats marquant du LPEM : grâce l’effet Nernst*, des chercheurs du laboratoire ont pu percer les mystères du graphite où d’éléments apparemment aussi simples que le bismuth, quand on les soumet à un champ magnétique très intense (des dizaines de teslas !). Dans la limite dite « ultra-quantique », leur comportement s’éloigne de celui des métaux traditionnels, pour rejoindre celui des fils unidimensionnels ou des surfaces infiniment minces . C’est une physique incroyable qui s’ouvre, un champ de recherche entièrement nouveau !

Une instrumentation très originale

L’instrumentation est une activité importante du laboratoire. Son champ d’application est très vaste depuis la mise au point d’une méthode unique pour détecter des charges dans un semi-conducteur avec une résolution submicronique jusqu’à la participation au projet d’interféromètre géant Virgo destiné à étudier les ondes gravitationnelles.
Le laboratoire développe également de nouvelles méthodes de microscopie de fluorescence en 3D à haute résolution, pour sonder les processus biologiques.
Pour caractériser les matériaux, des expériences optiques de détection des transferts de chaleur ont été mises au point au laboratoire : expérience d’effet mirage, et mesures de thermoréflectance résolues en temps.
Enfin, des instruments de « champ proche » originaux développés au laboratoire permettent d’observer la matière directement à l’échelle nanométrique. Ils mesurent localement le champ électromagnétique ou l’aimantation, les transferts de chaleur, ou bien encore la conduction électriques de nanofils, nanoplots ou molécules, etc.

*En présence d’un gradient thermique et sous l’action d’un champ magnétique, il apparaît dans un matériau un champ électrique transverse. C’est l’effet Nernst .

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