Fig. 1- Gauche : La résistivité du titanate de strontium suit une loi en T2. Droite : Deux explications ont été évoquées pour expliquer l’omniprésence d’une telle loi (a) et (b) . Aucune n’est satisfaisante dans son cas. Il faudrait un autre scénario (c).
Un métal est un solide avec des électrons itinérants qui lui donnent la capacité de conduire l’électricité. On sait par ailleurs que chauffer un métal augmente sa résistance électrique. En effet, les collisions que subissent les électrons au cours de leurs trajectoires deviennent plus fréquentes avec la température croissante. Depuis longtemps, on a identifié les collisions électron-électron comme la source d’une contribution distincte à la résistivité de tous les métaux avec une dépendance quadratique en température. C’est une conséquence du principe d’exclusion de Pauli.
D’après un article rapportant les résultats d’une série d’expérience par une équipe de l’ESPCI et paru dans le numéro de Science daté 28 août 2015, ce phénomène omniprésent est moins bien compris qu’on ne le pensait. L’enjeu est une question fondamentale. Une collision qui n’implique que les électrons va conserver la quantité de mouvement électronique totale. Alors, pourquoi un tel évènement aurait un impact sur le transport électrique ? Deux réponses ont été imaginées à cette question. La première évoquait la présence de deux bains électroniques distincts avec un couplage différent avec le réseau cristallin sous-jacent. Dans le deuxième scénario, la perte d’impulsion était due à l’échange d’un vecteur de réseau réciproque entre le bain électronique et le cristal atomique. Pour la quasi-totalité des métaux, on pouvait penser à la pertinence d’au moins l’un de deux cas de figures. Par conséquent, l’origine de cette résistivité quadratique ne paraissait pas mystérieuse.
Or, l’expérience de l’équipe parisienne montre l’insuffisance de ces deux scenarios. Le sujet d’étude a été le titanate de strontium, un métal dilué où on peut faire varier la distance inter-électronique à volonté sur plusieurs ordres de grandeurs. D’après ce travail, la résistivité suit bel et bien une dépendance quadratique en température même quand le système est tellement dilué qu’aucun des deux scénarios n’est pertinent. Il n’y a qu’un seul bain électronique et la surface de Fermi est d’une taille réduite. La porte est donc fermée aux deux voies imaginées pour la fuite d’impulsion vers le réseau. Ce résultat montre que nous ne connaissons pas encore les détails microscopiques de la dégradation du courant de charge causée par des collisions entre électrons.
En savoir plus :
X. Lin, B. Fauqué and K. Behnia, “Scalable T2 resistivity in a small single-component Fermi surface”, Science 349, 945 (2015)
Contact chercheur :
Kamran Behnia, directeur de recherche CNRS, LPEM